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Benoît Hamon est-t-il le Fillon de la gauche ?

Décrypter Par Eric Le Braz 08 décembre 2016

Benoît Hamon est-t-il le Fillon de la gauche ?
Fabrice Restier / Citizenside
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A force d’opposer Valls et Montebourg, on oublie le troisième homme. 

Ils ont tant de choses en commun… le petit air triste de l’élève appliqué, le sérieux et la compétence du ministre consciencieux, une vie politique dans l’ombre d’un autre : Séguin puis Sarko pour Fillon, Montebourg pour Hamon. Tous les deux sont méprisés par les médias dominants, quasi inaudibles en début de campagne. On ne connaît pas vraiment leur programme. On sait juste qu’ils existent, là bas, loin des favoris.

Oui Hamon rime bien avec Fillon. S’il réussit l’épreuve des débats, il peut émerger comme une alternative plus crédible que Montebourg, moins usé que Valls, acceptable pour les frondeurs et tolérables pour les soc-dem.

Comme Peillon, certes. Mais le prof de philo arrive un peu tard… Quant à rassembler le marais du PS orphelin de Hollande, est-ce bien la meilleure stratégie ? On sait depuis Mitterrand, jurisprudence validée par Fillon, qu’il faut d’abord, dans une élection, rassembler son camp.

Hamon a de vraies idées de gauche jamais appliquées : la libéralisation du cannabis ou le revenu universel. Il fut aussi un ministre de la conso pragmatique porteur d’une loi pour protéger les consommateurs et aussi casser les monopoles, une loi très macronienne en fait. Il a toutes les chances de rassembler. Il lui manque peu de choses en fait : peut être des costards mieux taillés, des cravates moins moches et une capacité à surprendre. Il lui faudrait un discours fondateur un peu comme Fillon rappelant que De Gaulle n’avait jamais été mis en examen… Allez Benoit, lâche toi. 

1 Il est plus à gauche que Valls

Benoît Hamon est-t-il le Fillon de la gauche ?
Wikimedia

Y pas photo. Et s’il mène une campagne de basse intensité au regard des frappes intensives de Montebourg, c’est dans sa nature et c’est aussi bien vu. On ne pourra pas l’accuser de (trop) diviser les gauches. Ce qui ne l’empêche d’avoir le mot qui tue face à Valls : "Ses intentions de candidats contredisent ses actes de Premier ministre. Sa candidature est sans doute la plus clivante qui soit aujourd'hui au Parti socialiste". 

2 Il est plus moderne que Montebourg

Benoît Hamon est-t-il le Fillon de la gauche ?
Wikimedia

Le programme d’Arnaud Montebourg ressemble à un décalque de ses recos lorsqu’il était ministre du Redressement productif avec le made in France comme karma et l’élection au suffrage universel dans chaque région d’un "commissaire chargé de la réduction du chômage » et de la formation professionnelle".  Ses propositions sont aussi un remake très "XXème siècle" de la gauche productiviste : Montebourg veut investir dans les PME mais soutenir le nucléaire même s’il est moins péremptoire que lorsqu’il était ministre.

Sur les questions de société, Montebourg est encore plus tradi : il est depuis des lustres contre la légalisation du cannabis et il veut réintroduire le service militaire. 

Hamon est beaucoup plus en phase avec une jeunesse open mind et pourrait préempter une électorat comparable à celui de Sanders. Joint par 7x7, le soutien de Benoit Hamon et député de Paris,  Pascal Cherki confirme ce positionnement : « La génération des 25-45 ans vit un immense sentiment de précarisation. Il existe une classe moyenne précarisée prête à se révolter car elle n’a pas d’offre politique »

D'où les propositions de Benoit Hamon très en phase avec cette cible électorale. Non seulement, il est pour la légalisation du cannabis mais il aborde des thématiques inexplorées par ses adversaires. Ce fut le premier à se prononcer pour un revenu universel car «  En raison de la révolution numérique, 43 % des emplois en France seraient menacés. ». Il reste ainsi l’un des rares à se préoccuper des répercussions de la robotisation sur les jobs. Là où Montebourg veut croire à la possibilité de protéger l’emploi à l’intérieur de l’hexagone, il adopte une position plus pragmatique face à une évolution inéluctable et propose de taxer les robots, pas de fermer les frontières.

3 Il a un programme de gauche impeccable

Le 49.3, version Hamon

Benoit Hamon est donc le moins frileux de tous les candidats en déclarant vouloir légaliser le cannabis afin de "tarir les foyers d'insécurité, l'économie souterraine, la délinquance et la violence qu'elle entraîne". Une position typique d’un candidat radical car pragmatique (et réciproquement).

Il n’a donc pas peur de se positionner sur des questions sociétales alors que la doxa socialiste est de mettre la pédale douce sur ce front. C’est d'ailleurs une spécificité du soldat Hamon. Il va souvent beaucoup plus loin que les autres en pointant son marqueur à gauche sur des débats négligés et va jusqu'à préconiser les 32 heures dans certains cas (en restant aux 35 heures)...

Avare de formules chocs, il préconise cependant un « 49 .3 citoyen » qui permettra « à 1% du corps électoral (450 000 électeurs) d’imposer, soit qu’une proposition de loi soit examinée par le parlement, soit de suspendre l’application d’une loi nouvelle jusqu’à un an après sa promulgation et que la question de son abrogation soit soumise à référendum ». Une réforme imparable qui bloquerait toute nouvelle loi El Khomri, ou genre. Il va jusqu’à permettre aux citoyens de déposer des amendements… On est loin des penchants autoritaires de ses adversaires.

4 On comprend tout ce qu’il dit

Benoit Hamon interrogé par Google.

« On a donné la parole aux hommes pour qu’ils puissent déguiser leur pensée » cette citation de Talleyrand, le candidat à la primaire de la gauche la trouve particulièrement adaptée à ses adversaires. Elle clôt cette vidéo encore peu vue mais assez révélatrice de la touche Hamon. Son langage n’est pas techno, il semble déserter la langue de bois. Moins ampoulé que Montebourg, plus direct que Macron, plus simple que Mélenchon, il incarne une sorte de bon sens breton, entêté et un peu bourru au premier abord. Mais apparemment sincère… "On ne veut plus parler une langue morte", résume Pascal Cherki, un soutien de Hamon qui sait s'exprimer avec truculence.  Et ça, c’est une vraie valeur ajoutée.

5 Et il est écolo-compatible

Benoît Hamon est-t-il le Fillon de la gauche ?

Il  n'a pas peur de se prendre des vents...

Matthieu BLANDI/Valorem

Ses propositions écolos  sont limpides et à rebrousse poil des inclinations productivistes des socialistes old fashion : sortir du diesel d’ici 2025, réorganiser EDF pour passer du nucléaire aux énergies renouvelables, éradiquer les pesticides, lutter contre la maltraitance animale Au total douze propositions qui le positionnent comme le seul candidat rose très vert. Quand l'écologie politique est dévalorisée, mais que les thèmes écolos sont toujours porteurs (et peu portés), c'est un atout. 

"La question écologique est centrale, estime le député hamoniste Pascal Cherki. Montebourg a tord de considérer que c’est un truc de bobo parisien. Les gens n’ont pas envie de bouffer de la merde et de respirer un air pourri. Et les pauvres sont les premiers concernés. On ne peut pas faire l’impasse sur la question écolo".

6 Mais… il ne donne pas très envie

Benoît Hamon est-t-il le Fillon de la gauche ?

Hamon ? « Il n’a pas l’envergure » disent ses détracteurs. Et il n’est pas crédible ajoutent des sondés sur le web. Comme Valls, il a une licence d’histoire puis, comme tout le monde sauf Macron, une carrière de professionnel de la politique. « Profession socialiste » s’amuse un commentateur du sondage du Point.

A défaut de se parer d’un passé, il pourrait nous faire rêver au présent. Mais sa campagne est terriblement tristounette, son site bleu-blanc-rouge et ses propositions qui s’étalent sur toute la longueur de l’écran, quasi illisibles. Par moment, on se pince comme lorsqu’il nomme son micro parti Elpis, en référence à la déesse  grecque de l'attente et de l'espérance. Sauf que ça se prononce comme une invitation aux blagues pipi-caca.

Passons sur le look, ses chemises aux cols étriqués, ses cravates neurasthéniques... C’est peut-être « étudié pour », afin de se distinguer de l’élégant Montebourg ou du relooké Valls. Mais que dire de sa photo officielle, en noir et blanc avec un air fier et décidé, mais un regard dur terriblement peu engageant...

Of course, ce n’est pas le genre à jouer la carte glamour.  Mais y a un minimum Benoit ! Pas d'accord, nous dit Pascal Cherki qui assume le visuel : "Le monde dans lequel on vit est dur. Il faut regarder le monde tel qu’il est".

7 Ce sont les débats qui trancheront

Mise à jour : il a déjà réussi l'exam d'entrée en assurant une prestation... avec prestance  dans l'Emission politique..

Dans les sondages, c’est le troisième homme. Il stagne à moins de 15 % loin de Montebourg (entre 25 et 35 % %) et Valls (plus de 40 %). Si l’on croit la jurisprudence Fillon, c’est la meilleure position même si on ignore encore ce que provoquera une candidature de Peillon.

Mais toutes les cartes seront redistribuées pendant les débats. Face au matador catalan et au matamore bourguignon, Hamon peut se démarquer. Il est moins clivant. Il a un programme saillant. Il parle vrai.

Il lui manque juste une stature. Mais ça se travaille. A condition d’incarner le cœur des valeurs de son camp. Fillon l’a bien montré. Quand d’autres se sont fait lemairiser...

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