Brasilia, capitale futuriste
A mille miles de toute terre habitée du Minas Gerais, Brasilia est un percing fantastique dans les entrailles du Brésil.
« J’ai voulu des lignes convexes et sensuelles : les courbes que je vois sur les collines brésiliennes, le corps de l’être aimé, les nuages et les vagues de l’océan. » Oscar Niemeyer, architecte.
« Brasilia est une horreur utopique. Elle devait être un symbole du pouvoir, au lieu de ça c’est un musée d’idées architecturales ». Robert Hugues, critique d’art.
Tout est dit ou presque sur cette capitale administrative et politique, classée au patrimoine mondiale par l’Unesco comme meilleur exemple du mouvement architectural du XXème siècle.
1 | Eriger une utopie |
Brasilia, à plus d’une heure d’avion des côtes brésiliennes est la concrétisation d’un vieux rêve de l’ex président Juscelino Kubitschek : exploiter les vastes ressources de l’arrière pays. Mais c’est surtout un laboratoire urbanistique, imaginé par Lucio Costa, dont le projet fut sélectionné en mars 1957. Pourtant, du concepteur, l’histoire n’a retenu que son metteur en scène : Oscar Niemeyer.
2 | Des droites et des courbes |
On se frotte les yeux à la vue de cette capitale qui échappe au sens commun des proportions. On s’y sent comme un enfant perdu devant un immense jeu de construction, dans une gigantesque agora. Insatiable bâtisseur, l’enfant du pays Oscar Niemeyer a concrétisé des idées plus que des cités. Il a dessiné la plupart des monuments. L’architecte aimait les courbes de son pays, il n’en a pas moins retenu aussi, à l’image d’un Mondrian, la ligne droite.
3 | Un papillon dans la jungle |
L’expérience se révèle fructueuse pour cette ville à l’anatomie herculéenne qui déploie ses ailes (elle a la forme d’un avion, ou d’un papillon) au cœur du Brésil. Et si, en dépit du climat tropical, Brasilia a la chaleur d’un biscuit glacé, elle n’en compose pas moins avec ses avenues larges et droites comme des autoroutes, une partition fleuve qui semble avoir été portée d’une seule pièce comme le fruit d’une technique vertigineuse réalisant le rêve d’Alphonse Allais : une ville à la campagne.
5 | Ceci est une cathédrale |
Les édifices gouvernementaux sont regroupés dans le corps central (du papillon), le Ministère des affaires étrangères impressionne par ses arcades qui se reflètent dans un bassin conçu par le paysagiste Burle Max. Surprenant aussi le Palacio Congresso, un fruit coupé enveloppant de ses courbes des tours jumelles et des fontaines ruisselant entre les arches. Ou encore le sanctuaire Dom Bosco avec ses colonnes de béton, et ses vitraux bleus. Mais c’est sans doute la cathédrale « Notre Dame de l’Apparition » en forme de tipi qui frappe le plus avec ses 16 piliers gardés par quatre statues monumentales d’évangélistes.
6 | Plus carcan que cocon |
Le temps a eu bien du mal à poser, ici, ses bagages. L’homme y apparaît encore comme une silhouette fragile broyée par le concept urbain. Mais la trame identitaire s’est pourtant tissée. On s’étonne de trouver de la vie aux terrasses de café. Dans les années 60, il a fallu promettre des augmentations de salaires faramineuses et de vastes appartements aux fonctionnaires et hommes politiques pour les retenir. Aujourd’hui le niveau de vie est supérieur au reste du pays. Il n’empêche, le week-end c’est l’hémorragie. Les habitants fuient vers les éternelles rivales, Rio ou Sao Paulo.
7 | Un futurisme qui vieillit bien |
Brasilia est bien une capitale du troisième millénaire, et ce n’est certes pas pur hasard, si ici, se rejoignent sectes, mediums et autres mystiques. Sous ces latitudes, on croit dur comme fer à l’apparition de la nouvelle civilisation prophétisée par le religieux Jean Bosco au 19ème siècle. Ce qui a peut-être fait dire au cosmonaute Gagarine : « J’ai eu l’impression d’arriver sur une autre planète ». C’est sûr, « il y a de l’éternité » ici, disait Malraux.
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