Comment la blockchain va tuer le management traditionnel
La hiérarchie à la papa, les carrières à rallonge au sein de la même entreprise et les promotions canapés ne seront plus qu'un mauvais souvenir avec l'avènement du management version blockchain. Voici pourquoi en 7 points.
"La technologie blockchain a le potentiel de créer des organisations décentralisées" pour Primavera De Filippi, co-fondatrice de la start-up Backfeed, qui compte bien exploiter cette opportunité. Cette technologie de gestion de données numériques, transparente et sécurisée, fonctionne sans organe central de contrôle (lire aussi 7 questions pour (enfin) comprendre la technologie Bitcoin). Au-delà de l'infrastructure qu'est la blockchain, c'est bien la gouvernance des organisations que Backfeed propose de décentraliser avec son outil clef-en-main. L'idée ? Permettre à tous de créer collectivement de la valeur, redistribuée en fonction des contributions de chacun, sans aucun patron.
La think tank de la société collaborative, OuiShare, a testé son système pour l'élaboration de son festival annuel au printemps dernier. Son organisation a beau être horizontale, "on s'est rendu compte qu'on était encore très loin d'être décentralisé", confie Francesca Pick, qui pilote le OuiShare Fest et a chapeauté cette expérimentation. La blockchain appliquée au travail, c'est un véritable changement de paradigme : la preuve par 7 (à lire dans l'ordre si on ne veut pas s'y perdre).
1 | Une évaluation horizontale |
La start-up Backfeed s'est inspirée de la blockchain de Bitcoin, au sein de laquelle la "Proof-of-Work" (preuve de travail) est la technique de validation des transactions. Ce processus algorithmique nécessite une puissante force de calculs fournie par des "mineurs", rétribués en bitcoins pour la mise à disposition de leurs processeurs.
Ici, on parle plutôt de tâches, effectuées par un réseau de contributeurs qui collaborent à un projet donné. Et le principe de validation des transactions de la blockchain Bitcoin devient évaluation des contributions avec Backfeed. C'est la "Proof-of-Value" (preuve de valeur), un mécanisme qui permet d'obtenir un consensus à partir des notes attribuées à chaque contribution par tous les membres de la communauté. En bref, ce n'est plus un chefaillon quelconque qui vous dit que votre tableau Excel est une petite merveille (ou pas), mais l'ensemble du réseau de contributeurs qui juge de la valeur de votre travail, et vous rémunère en fonction.
2 | Repenser la valeur |
Quels sont les critères d'évaluation des contributions des participants ? Il n'y en a pas. "Les critères d'évaluation sont 100 % subjectifs, précise Primavera De Filippi, co-fondatrice de Backfeed. Car la valeur ne peut pas être explicitée." C'est donc l'agrégation des valeurs de l'ensemble des individus qui crée le système de valeurs de l'organisation. Un concept finalement très proche de la réalité des faits selon Primavera De Filippi : "Lorsqu'une communauté se crée, le système de valeurs émerge des individus." Pour évaluer le travail d'autrui, pas de grille de notations, donc, il suffit de faire confiance à son propre jugement.
3 | Une gouvernance décentralisée |
Pas de chef, pas de valeurs prédéfinies. L'immersion dans le monde du travail à la sauce blockchain peut paraître déroutante. "Il a des barrières psychologiques, même si on accepte de perdre le contrôle, on tend à revenir à une structure centralisée, c'est comme un réflexe", raconte Francesca Pick, coordinatrice de la communauté OuiShare, qui ne pouvait s'empêcher de penser parfois : "A un moment, il faut bien que quelqu'un décide !"
Pourtant, le principe semble simple : "Je n'ai pas un rôle important parce que je suis P-DG, mais parce que j'ai une certaine réputation", explique Primavera De Filippi. Une réputation qui se construit. D'une part, si mes contributions sont évaluées de manière positive par la communauté, ma réputation augmente. D'autre part, si mes évaluations sont alignées avec celles des autres (pas complètement à côté de la plaque, en résumé), c'est que je suis un(e) digne représentant(e) du système de valeurs de la communauté, donc ma réputation augmente. Le tout est calculé grâce à un protocole algorithmique signé Backfeed.
Et qui dit réputation importante dit plus de poids dans les prises de décisions comme dans l'évaluation des autres membres. Le "management" blockchain n'annihile donc pas toute forme de hiérarchie. Mais le poids d'un individu au sein du groupe n'est pas corrélé à un statut acquis lors de la signature d'un contrat, par exemple, mais à ses actions. Les promotions ne se négocient plus, elles se bâtissent.
4 | Des projets ouverts et auto-gérés |
Aujourd'hui, dans une organisation traditionnelle, c'est votre patron qui fixe vos objectifs et définit vos missions. "Avec Backfeed, n'importe qui peut imaginer une tâche, la proposer, la réaliser et se faire évaluer par la communauté", explique Primavera De Filippi. Nous pourrions donc aller jusqu'à imaginer des organisations où le rôle de chacun n'est absolument pas prédéfini. Vous n'êtes pas à un poste précis, vous êtes un contributeur aux multiples casquettes, compétences et envies.
Et ce n'est pas le boxon pour autant. Si je passe une journée à effectuer une tâche que j'ai imaginée et que celle-ci est évaluée de manière positive par les autres, je me rends compte qu'elle est utile et je pourrais réitérer l'expérience. Au contraire, si je passe une journée à plancher sur un projet jugé négativement par la communauté, je laisserais tomber. Du coup, je m'auto-gouverne. "Cette idée est inspirée des projets collaboratifs en open source, où chacun participe de manière spontanée", décrypte Primavera De Filippi. De quoi se responsabiliser, optimiser l'utilisation de ses compétences et laisser libre cours à sa créativité.
5 | Un système transparent |
"Un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement, gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, qui est impossible à effacer et indestructible." Voilà comment le mathématicien Jean-Paul Delahaye décrit la technologie Blockchain. Fondée sur la transparence, elle permet à chacun de consulter l'ensemble des échanges, présents et passés. De ce fait, impossible de contester, nier, ou parlementer à propos de ses résultats dans le système Backfeed. L'ensemble de vos actions sont recensées, documentées et horodatées. Pas la peine d'enjoliver la réalité, les beaux parleurs n'ont plus voix au chapitre dans un monde du travail "blockchainisé".
6 | La méritocratie ultime |
Le rôle d'un individu est fonction de ce qu'il produit. Point à la ligne. Avec un tel système de collaboration, les individus ne travaillent pas pour quelqu'un mais coopèrent dans un même but. Ils gagnent en réputation et sont rétribués en fonction de la valeur qu'ils produisent effectivement.
La définition de la méritocratie est la suivante : "Système dans lequel le mérite détermine la hiérarchie". Et le mérite, lui, est "ce qui rend quelqu'un (ou sa conduite) digne d'estime, de récompense", mais aussi "l'ensemble des qualités intellectuelles et morales particulièrement dignes d'estime" ainsi que "la qualité louable de quelqu'un". Avec un système à la Backfeed, c'est bien la qualité du travail fourni qui détermine la hiérarchie. De quoi en faire un modèle de méritocratie. CQFD.
7 | La fin du travail |
Essayons-nous à l'exercice de la prospective. Difficile d'imaginer des multinationales changer du jour au lendemain leur mode d'organisation pour passer au tout décentralisé. Mais le monde du travail, en général, est déjà en train de se transformer. En France, le nombre d'auto-entrepreneurs a symboliquement passé la barre du million au deuxième trimestre 2015. Et le travail en freelance est en plein boom partout dans le monde : aux Etats-Unis, les travailleurs indépendants représentent 34 % de la force de travail, d'après une enquête de 2014. Une autre étude, citée par la journaliste américaine Vivian Giang sur FastCompagny, précise que d'ici 2040, "une carrière consistera en des milliers de missions de courte-durée étalées sur toute une vie".
Le rapport avec la blockchain ? Le voici : imaginez un monde où le CDI (comme le CDD, d'ailleurs) n'existe plus. Où les entreprises n'ont pas de poste à pourvoir, parce que la notion même de "poste" est désuète. Tout au long de votre "carrière", vous contribuez à des centaines de projets différents et décentralisés, pour lesquels vous êtes rétribués en fonction de la qualité de votre effort.
Imaginez un monde où le travail ne rime plus avec contrat mais avec valeur. On est à des années lumières des polémiques sur de la présidentielle. Mais c'est pourtant bien de ces enjeux-là qu'il faut aujourd'hui débattre.
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