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Génération loser

Décrypter Par Eric Le Braz 13 mai 2017

Génération loser

Manuel Valls et Benoit Hamon dans les années 80... Ce n'était pas la génération coiffeur.

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A l’image de son mariage avec Brigitte Trogneux, l’élection d’Emmanuel Macron est le résultat d’une alliance entre la génération Y et les baby boomers. Victime du deal, la génération X qui n’a connu qu’une longue parenthèse désenchantée, ne connaitra pas non plus le pouvoir…

On a déjà tout dit sur l’âge du capitaine : c’est le plus jeune chef d’Etat depuis Bonaparte et il n’y a que Kim Jong-Un et une pincée d’héritiers héréditaires qui sont aussi jeunots que lui aux commandes d’une nation dans le monde. Surtout, un peu plus de la moitié des Français ont découvert que leur président étaient plus jeune qu’eux. Cela ne les a pas empêchés de voter pour un junior sans expérience électorale. Mais les Français ont beaucoup plus le goût du risque qu’on veut bien le dire.

Après tout, les coups d’avant, ils avaient bien élu un président totalement show off, puis un autre qui n’avait jamais été ministre. 

On a vu le résultat.

Cette fois, ils ont préféré le type qui a vu de l’intérieur tout ce qu’il ne fallait pas faire à l’Elysée. Comme ça il est briefé.

Le Petit Prince a validé un stage d’immersion au cœur du pouvoir pendant quatre ans. Il a pu y côtoyer une palanquée d’ainées qui rêvaient de devenir Président en se rasant matin et soir. Le plus ambitieux d’entre eux, Manuel Valls (54 ans), pensait se réserver pour 2022.  Oui parce qu’en France, normalement, on devient Président à l’approche de la retraite.

Las ! Emmanuel a précipité le renoncement de François qui a provoqué le départ anticipé de Manuel. On connaît la suite. Favori à la primaire, Valls s’est fait battre sèchement par Hamon. Pour la peine, il a trahi ce dernier en reniant ses engagements et en appelant à voter Macron. Avant de finir par se faire humilier lors des investitures où on lui a demandé de remplir un dossier comme tout le monde. 

Et aujourd’hui, ostracisé par le PS et méprisé par le REM qui lui a juste accordé un petit passe droit, Valls est un trapéziste en plein saut de la mort sans filet.  A un âge où tous les rêves sont encore permis, il est prêt de se fracasser.

Oui, on a déjà tout écrit sur l’âge du capitaine. Mais on n’a pas dit grand chose sur l’âge des éliminés. Car c’est bien toute une génération que Macron a exterminée… Et cette tranche d’âge n’est pas seulement politique. Valls et les autres sont bien le symbole d’une génération de losers.

1 La cata des quinquas candidats à gauche

A la primaire de la gauche, il n’y avait pas que Valls, toute la génération perdue s’était donnée rendez-vous : Hamon né en 1967 a vaincu ses anciens potes du Nouveau Parti socialiste Montebourg né en 62 et Peillon né en 60. Ces jeunes loups ont passé leur vie à mordre les mollets des éléphants du PS. Mais quand les Hollande, Fabius et autre Royal ont opté pour la pré-retraite, ils ont tous pris rendez-vous avec la lose. Eliminés dès le premier tour de la primaire pour les uns, anéanti au premier tour de la présidentielle pour le survivant.  

Ajoutons au quatuor des (ex ?) socialos, Yannick Jadot (né en 67) et on aura à gauche une brochette de talents fabriqués dans les sixties qui ont swingué pour p’tit un tour et puis s’en vont.

2 La bérézina des quinquas de la droite

A droite, on ne fait pas mieux que les quinquas losers de gauche. C’est même pire. Passons sur Nicolas Dupont-Aignan (né en 61) qui est mal barré pour survivre. Comme Valls qui attendait 2022, Copé lui (né en 64) se réservait pour 2017. 0,3 % plus tard, il a certes gardé son rond de serviette sur les plateaux télés pour commenter les défaites de son camp… Mais ce sera tout. Au revoir et merci pour ces bons moments de rigolade.

Bruno « le renouveau » Le Maire (né en 69) a fait lui huit fois mieux, c’est à dire 2,4 %, à la primaire de son camp. Le renouveau est en promo et ne convainc personne quand il est porté par un bientôt quinqua qui fait plus vieux que son âge depuis qu’il est tout petit. Sa défaite digérée, il erre de Fillon en Macron, à la recherche d’un ersatz de destin… mais l’histoire ne repasse pas les plats, juste des tapas. 

Le Maire était pressé, Baroin (né en 65) reste patient et déterminé. Le vieux jeune de la droite espérait Matignon avec Sarko, puis avec Fillon et maintenant, il espère cohabiter avec Macron.

C’est une option. L’autre est de poursuivre la malédiction de sa génération en devenant le vaincu expiatoire d’une droite éparpillée façon PS.  

3 Marine Le Pen a son Macron

Génération loser

Marine, période ado romantique à problèmes

Capture Ecran "Une ambition intime"

Née en 1968, Marine Le Pen fait partie elle aussi de cette génération née sous de Gaulle, élevée sous Giscard et devenue jeune adulte sous Mitterrand.  Et comme ses adversaires générationnels, 2017 aura probablement sonné le glas de toutes ses ambitions. En 2022, sa nièce (née en… 1989) aura 32 ans. Après une expérience dans le privé qui valorisera son CV, elle pourra d’une pichenette destituer sa tata qui vient de prouver qu’elle n’avait pas du tout les moyens de ses prétentions. Elle apparaitra alors comme le véritable renouveau. Contrairement à Marine, Marion est une bosseuse et elle pourra avoir l’intelligence d’assouplir son discours. Et si ça ne passe pas en 2022, elle n’aura que 37 ans en 2029. Oui, oui, je sais… mais non, on n’en a pas fini avec les Le Pen.

En revanche, les Français en ont probablement soupé de la génération bleue Marine. Car finalement, comme Hamon, Valls, Le Maire, Copé et Baroin, la fille Le Pen aura montré une certaine médiocrité rhétorique et un déficit charismatique au regard du jeune challenger... et du vieux baby boomer.

4 Les baby boomers ne veulent rien lâcher

Génération loser

Hollande, période bogoss

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Mais ils ont continuent à tout gâcher. Depuis des lustres, ils ont tout fait pour barrer la route aux jeunes impétrants nés dans les années 60.

François Hollande (né en 54 au cœur du baby boom) en aurait bien repris pour cinq ans. Mais comme Valls, Macron, Davet et Lhomme l’en ont empêché, il se contente de jouer les chaperons un peu relou du futur président jusqu’à la dernière goutte.

Nicolas Sarkozy (né en 55), a lui aussi été poussé vers la sortie à son corps très défendant. Mais ça ne l’empêche pas de continuer à manœuvrer en coulisse pour euthanasier les fillonistes, anesthésier les juppéistes et surtout imposer son casting à la tète de LR. Pour l’instant, c’est Baroin le poulain. Mais s’il échoue, Sarkozy s’en trouvera bien un autre à coacher.

On n’en finira donc jamais avec eux. Jean-Luc Mélenchon (né en 51) a beau avoir atteint 65 ans, il a envie de rempiler bien au delà de la retraite légale. Le candidat insoumis aux législatives de Marseille montre que sa génération n’en a pas fini avec la recherche sans fin du pouvoir.

Et quand ils ont la sagesse de ne plus tenter de gravir l’Everest, ils s’empressent de rejoindre le Petit Prince fougueux qui les fait triper. On a souvent moqué l’aéropage contrasté qui entoure, conseille et bénit Emmanuel Macron. Mais ils ont pourtant tous un point commun : Cohn Bendit (né en 45), Robert Hue (né en 46), Alain Madelin (né en 46), Colomb (né en 47), Jean-Paul Delevoye (né en 47), Jean-Yves Le Drian (né en 47), François Bayrou (né en 51), Anne-Marie Idrac (née en 51), Jean Pisani-Ferry (né en 1951)… les principaux soutiens de la Macron sont tous de (vieux) baby boomers.

Et quand on demande aux Français, quel premier ministre ils souhaitent pour Macron, il répondent invariablement en faveur d’un baby boomer : C'est Alain Juppé (né en 45) qui est réclamé le plus souvent (26% de citations), devant François Bayrou (22%), Jean-Yves Le Drian (19%) et Jean-Louis Borloo  (né en 51) (18%) dans le sondage Odoxa pour franceinfo publié vendredi 2 mai.

Encore un fois on squeze la génération des 45-59 ans qui se retrouve, pour reprendre la terrible métaphore mélenchonienne comme dans le casse noix qui "serre des deux bords", condamnée "à faire de l’huile".

Mais, d’une certaine façon, elle l’a bien cherchée. Hamon, Valls, Le Maire ou Baroin ont d’abord préféré faire carrière pépère dans des partis valétudinaires plutôt que risquer la transgression comme Macron ou Mélenchon. Cette génération n’a pas eu le goût du risque…. Elle risque de le payer au prix fort.

5 La génération vernie au pouvoir

A part les très politiques Richard Ferrand (né en 62), Sylvie Goulard (née en 64) et Christophe Castaner (né en 66), l’équipe de la start-up macronienne est quasi exclusivement composée de natif de la génération Y (nés entre 1978 et 1994). Le communicant Sylvain Fort et le tout nouveau secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler ont 45 ans mais la plupart des autres seconds rôles du doc « Les coulisses d’une victoire » sont de parfaits digital native. Clément Beaune, expert du budget et de l’Europe a 35 ans, Stéphane Séjourné (relations avec les élus) a 31 ans, Jean-Marie Girier, l’ordonnateur de la campagne a 32 ans, Julien Denormandie, l’organisateur en a 36 tout comme l’attachée de presse star du docu, la franco-sénégalaise Sibeth Ndiaye. Le porte parole et désormais président d’En Marche ! Benjamin Griveaux en a 39, comme le boss. Quant à Ismaël Emelien, l’éminence grise, devenu "conseiller spécial", il n’en a que trente et la « « plume » Quentin Lafay, 27….

Faut-il ajouter à ce casting très masculin, Sophie Ferracci (40 ans) et son mari Marc, respectivement cheffe de cabinet et meilleur ami du président (et aussi Monsieur chomage d’En Marche !).

Tous ces généraux d’empire qui vont se partager les postes au pouvoir ressemblent à une antithèse de la génération loser. Ce ne sont pas des apparatchiks, juste une élite de la génération vernie décrite par Raphaël Glucksmann : « celle qui ne connaîtrait la guerre ni chaude ni froide, ignorerait les grandes batailles philosophiques, oublierait les clashs politico-religieux des temps passés. ». 

Le Monde a déjà souligné qu’Emanuel Macron, chantre des « nomades heureux » était le fils parfait de cette génération qui a connu tant de« fées bienveillantes – Erasmus, Schengen, Maastricht, Steve Jobs, Bill Gates et tant d’autres – (qui) avaient dessiné pour nous un horizon de progrès et de jouissance ».

Le fils parfait a plein de petits frères nourris au même lait d’abondance. Ils ont pour la plupart fréquenté les cabinets ministériels et fait des incursions dans le privé. Comme le boss. Ils passeront probablement un jour de l’ombre à la lumière. Comme le boss.

C’est le problème avec les jeunes, plus ils commencent haut tôt, plus on se les coltine longtemps.

6 Génération loser, génération chômeur

Ce qui se passe dans le monde politique est un reflet spectaculaire de ce qui se joue dans la France entière. Dans le domaine que je connais le mieux, celui des médias, le même phénomène s’est déroulé depuis de nombreuses années. Jean-Pierre Pernault, Anne Sinclair, William Leymergie, PPDA, Guillaume Durand, Thierry Ardisson, et on abrège, toute la liste est détaillée ici, ont tous atteint l’âge de la retraite mais rechignent à lâcher la rampe et les feux qui vont avec. Au détriment des suivants.

L’audiovisuel « paillettes » n’est pas le seul secteur atteint. Si les vieux s’accrochent à la télé, les jeunes poussent les quinquas vers la sorties ailleurs. Le dernier journaliste de plus de 50 ans à avoir obtenu un CDI que je connaisse, je l’ai embauché, il y a trois ans (et perso, j’étais en CDD). Tous les autres finissent dans la précarité, le conseil ou l’alcoolisme. Ou les trois à la fois.

Comme en politique, sur les seuls postes (web) qui se créent dans le secteur, les génération X sont challengés (et battus) par les Y et les Z.

Le petit monde médiatico-politique n’est pas isolé. Quand on regarde dans le détail, les stats des demandeurs d’emplois en France, on constate que le chômage des jeunes baisse (enfin), tandis les 25-49 ans stagnent et que celui des plus de 50 ans explose : + 161 % entre 2008 et 2014 et ça continue depuis.

Valls, Hamon, Le Maire, Copé et les autres sont bien la traduction politique d’une génération perdue. La mienne.

7 Génération loser, génération no future

Johnny Rotten, 61 ans maintenant. "No future' qu'ils disaient. 

Dans le numéro 727 du 16 octobre 1978, le Nouvel Observateur titrait « La Bof génération ». Impossible de trouver un visuel sur le ouébe, mais je me souviens encore de cette cover dessinée, je crois, par Claire Bretécher. C’était une véritable claque infligée par nos ainés qui jugeait notre génération désabusée et dépolitisée, au regard des gauchistes qui avaient fait les beaux jours des seventies. Décevants et désinvoltes, nous étions destinés aux poubelles de l’histoire. Et j’enrageais. Car à l’époque, j’écoutais les Sex Pistols et je me trouvais bien plus révolté que ces ringards de soixante huitards attardés.

Puis on a on connu la crise sans fin, la montée du FN, l’arrivée du sida, et un, et deux, et trois millions de chômeurs… comme une interminable parenthèse désenchantée. Le no future devenait tangible et il n’a jamais vraiment disparu. L’enthousiasme macronien était à l’époque incarné par Bernard Tapie qui était quand même selon une formule consacrée « à la création d’entreprises ce que le brocanteur est à l’ébéniste ». Le chômage n’a cessé de grimper et si la génération précédente a su « jouir sans entraves », elle a rarement été partageuse. On a appelé ma tranche d’ âge la génération X. On s’en souviendra en France comme de celle qui n’a jamais connu le pouvoir. Mais c’est bien parce qu’on n’a jamais su le prendre.

Le nouveau président est né au commencement de la génération Y le 21 décembre 1977, juste avant que Johnny Rotten quitte les Sex pistols. Macron a été bien plus malin que tous ces ainés. Et il a une vision bien moins pessimiste du futur. C’est bien qui nous a manqué et que nous n’avons pas su recevoir de tous ces papy qui entourent aujourd’hui Macron. A l’image de son mariage avec Brigitte Trogneux (née en 53), Le nouveau président est bien le résultat d’une alliance entre la génération Y et les baby boomers escamotant la génération X.

Et on l’a bien mérité. Notre ressentiment a probablement déteint sur ce pays dépressif et éternellement en colère. Alors, on va espérer que le Petit Prince heureux inverse demain la courbe des zygomatiques sans ajouter de rictus.

Même si on sait bien que la vie… This is not a love song.

8 7 + Une mise à jour du lundi 15 mai

Edouard Philippe, 46 ans, est un premier ministre issu du deuxième décan de la génération X. Après Manuel Valls (54 ans) et Bernard Cazeneuve (53 ans), la nomination de rocardo- juppéiste confirme que  cette génération est décidément condamnée aux seconds rôles... Mais appartient-il vraiment à la génération X d'ailleurs, avec sa barbe typique des Y et des Z ? 

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