Le 14 juin en 7 moments forts (le 3e va vraiment vous surprendre)
Une marée humaine a déferlé le 14 juin à Paris contre la loi travail. Focalisés sur les casseurs et le meurtre d'un couple de policiers, les médias ont peut-être oublié de vous montrer deux ou trois choses...
1 million de manifestants selon les syndicats, 80 000 selon la police. A ce point, ça commence à devenir un gag. Disons plutôt que le défilé occupait tout le parcours, puisque quand la tête est arrivée à Invalides, la queue attendait encore place d'Italie. Et je vous assure qu'il n'y a RIEN de cochon là dedans.
Autant dire que les violences qui se sont déroulées en amont de la manifestation ne sauraient la résumer, même si l'Etat ne pouvait rêver mieux que ces casseurs pour renforcer sa position.
Plutôt que de nous attarder sur ces gesticulations, nous avons retenu sept moments forts de la manifestation contre la loi travail, avant l'opération Casseroles debout qui devrait vendredi 17 juin réunir les opposant.e.s à la loi travail devant toutes les mairies de France à 19h30.
1 | Quand des dockers jouent du tambour |
C'est l'image d'Epinal de la manifestation réussie en mode CGT. Les dockers sont les stars du syndicalisme avec les ouvriers du livre. Venus en force de tous les ports de France, ils se sont taillés un franc succès avec des roulements de tambour, des fumigènes et des pétards qui mettent l'ambiance. Comme des chamanes du monde qui vient, les dockers nous rappellent opportunément que la classe ouvrière n'a pas dit son dernier mot.
2 | Quand on cherche à éviter le crash |
Gandhi a promené sa tête tout au long de la manifestation, invitant les gouvernants à « arrêter d'écouter les riches » pour éviter le crash. Pendant ce temps les manifestants tendaient l'oreille pour distinguer les pétards des bombes lacrymogènes. Grosse pression pour faire la différence, surtout en fin de manifestation.
3 | Quand des policiers manifestent contre les violences de l'Etat |
Ils n'étaient pas nombreux, mais leur présence a marqué ce 14 juin : « C'est vrai, vous êtes vraiment policiers ? » demandent les manifestants.e.s incrédules. « On n'est pas toujours très bien acceptés, reconnaît un policier syndicaliste, et notre position est difficile. On est solidaires des manifestants, on est contre la loi travail et son monde, mais on est aussi solidaires de ces policiers qui sont blessés pendant les affrontements. J'ai plein de copains de la BAC dans le défilé. Ils nous font un signe, ils sont contents d'être représentés, parce qu'ils ne peuvent pas parler... Mais nous aussi, on est des citoyens. Des syndicalistes. » Une jeune femme s'extasie : « En fait vous êtes comme les gens qui bossent chez Areva, et qui en même temps sont contre le nucléaire ! »
En passant devant un graffiti qui clame « Un flic, une balle », le syndicaliste hausse les épaules, résigné. Plus tard, à Montparnasse, une longue discussion s'engagera entre des manifestant.e.s et des CRS à propos des violences qui se déroulent un peu plus loin. "C'est dur aussi pour nous, avoue un jeune homme. On devrait être là pour vous protéger, pas pour se battre avec les casseurs." Le slogan tout à coup sort du bois : "CRS, avec nous !"
4 | Quand des Indiens, des Africains et des Allemands chantent contre la loi travail |
Ils et elles sont venu.e.s du monde entier pour clamer leur solidarité : des Africaines, des syndicalistes du Bengladesh, des Sud-Américains chantent à tue-tête « El pueblo unido jamas sera vincido » et un Allemand tient à affirmer le soutien de la classe ouvrière allemande. Au sein de la Fédération des Syndicalistes du monde, en grosse perte de vitesse depuis la chute du mur de Berlin (la CGT nationale l'a quittée pour rejoindre la Confédération syndicale internationale en 1995), on trouve encore de puissantes organisations, comme la Fédération de l'agro-alimentaire et, surtout, la grande Fédération nationale des industries chimiques.
5 | Quand les casseurs font du lèse-vitrines |
Tout au long du boulevard Montparnasse les casseurs ont comme leur nom l'indique cassé des vitrines : banques, agences de tourisme, boutiques de luxe, chaînes de fastfood. Les manifestant.e.s qui arrivent après la bataille jettent un œil effaré sur les débris de verre, sans vraiment s'émouvoir que Lancaster, Dupont ou Burger King soient la cible des casseurs.
Au fond d'un Starbucks dévasté, un exemplaire du Financial Times. Comme dit une manifestante à propos des dégradations : « Ils auront de quoi remplacer les vitres avec l'argent des impôts qu'ils ne paient pas. » Plus tard, un individu isolé cognera dans les baies vitrées de l'hôpital Necker. Comme quoi même pour les casseurs, il y a un plafond de verre. Mais était-ce vraiment un casseur ?
6 | Quand les gardes forestiers viennent tronçonner le parcours |
Ils sont venus avec leur engin, pour nous foutre une peur de tous les diables, façon «Massacre à la tronçonneuse ». Mais non, en vrai, ce sont les CRS qui ont tronçonné la manifestation en deux parcours pour éviter qu'une foule immense envahisse le Champ de Mars. Eux, ils sont de gentils ouvriers forestiers de droit privé de l'Office national des forêts qui luttent des classes "pour une forêt d'aujourd'hui et de demain". S'ils commençaient par arrêter de nous forer les tympans avec leurs tronçonneuses, déjà, ce serait bien.
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