Moi, Olga, j'ai foncé sur la foule au volant d'un camion…
Ce pourrait être le titre complet de ce film sorti quelques jours avant l’attaque de Nice. Moi, Olga, c’est l’histoire vraie d’une kamikaze, la dernière condamnée à mort de l’ex-Tchécoslovaquie.
Le premier long-métrage des auteurs tchèques, Tomas Weinreb et Petr Kazda, ne se joue que dans une dizaine de salles en France depuis le 6 juillet. Fiction inspirée d'un meurtre de masse des années 70, "Moi Olga", est un film un peu lent, un peu long et cependant esthétiquement très réussi avec une actrice polonaise extraordinaire, Michalina Olszanska... Ce film qui est passé inaperçu et pourtant les similitudes de son scénario avec l’attentat de Nice du 14 juillet dernier sont profondément troublantes...
Mais il est toujours en salle alors que le cinéma réalité n’est pas décent quand il colle trop avec l’actualité. Le film “Bastille Day” qui relate la course folle pour empêcher un attentat à Paris la veille du 14 juillet vient d’être retiré des 230 salles qui l’avaient programmé en France.
1 | Au départ, le malaise d’une ado |
Olga Hepnarovà a une vingtaine d’années et se cherche. Homosexuelle dans une société rigoriste (et le noir et blanc souligne une ambiance stricte et taiseuse), elle se sent rejetée et mal aimée. Elle est butée, travailleuse, elle fume clope sur clope et vit une crise d’adolescence aiguë.
2 | Quand la haine sociale appelle à la vengeance |
Olga est enfermée dans des institutions ce qui renforce sa haine de la société. Elle hurle qu’elle veut vivre comme elle l’entend et pose ses bagages dans une modeste cabane au confort rudimentaire. Mais son mal-être est si grand qu’elle fait fuir ses rares conquêtes féminines. La blessure s’agrandit, inexorablement.
3 | De l’empathie à l’incrédulité |
Quand elle commence à parler, c’est pour crier sa haine et son besoin de vengeance. D’abord incrédules devant le cheminement de sa pensée, nous prenons conscience peu à peu de l’ampleur de son trouble mental, nous glissons de l’embarras à la stupéfaction devant cette histoire vraie.
4 | “Quelques-unes de vos vies ne vaudront jamais la mienne” |
La détermination de cette jeune femme mal dans sa peau signe l’arrêt de mort de ses concitoyens au bénéfice de sa propre cause. C’est un mal nécessaire pour faire entendre sa voix.
Le cheminement de la pensée d'Olga est intéressant dans le contexte politique de l'époque et son discours, terriblement perturbant dans le contexte actuel... Pour les deux réalisateurs, interviewés lors de la sélection de leur film au Festival de Berlin : "Il s’agit d’existentialisme car lorsqu’une personne décide d’accomplir un acte en se basant sur ses propres règles morales, ce type d’événements se produit. Et la question de la place de l’individu dans la société n’a jamais été autant d’actualité, bien qu’aujourd’hui elle soit plus liée à la religion ou à la politique, ce qui n’était pas vraiment le cas d’Olga Hepnarová".
5 | Une froideur d’exécution |
Olga a décidé de son crime. Elle brûle des papiers, se débarrasse de sa vie matérielle méthodiquement. Elle grimpe dans un camion, les deux mains posées sur le volant à 10 h 10, le 10 juillet 1973.
Regard fixé sur ce qu’elle doit accomplir. Sur quelques dizaines de mètres, elle fonce dans la foule, aveuglément. Elle tue 8 personnes et fera nombre de blessés.
6 | Le procès |
Les premiers policiers qui arrivent après le massacre sont tout aussi incrédules et stupéfaits que le spectateur. Ils cherchent une explication rationnelle. Mais, durant le procès, Olga Hepnarovà, n’entend pas plaider une folie de sa part, mais une vengeance nécessaire. Son discours à la Cour, sur l’inutilité du suicide qui n’aurait pas permis à la société de comprendre les tortures mentales qu’elle lui a infligées par son rigorisme, est stupéfiant.
7 | Son testament |
« Je suis une solitaire. Une femme détruite. J’ai le choix : me tuer, ou tuer les autres. Je choisis de me venger de mes ennemis. Cela serait trop facile de quitter ce monde comme une suicidée anonyme. La société est trop indifférente, à juste titre. Mon verdict est le suivant : Moi, Olga Hepnarová, victime de votre bestialité, vous condamne à mort ». Avant de commettre son meurtre de masse, Olga a envoyé ce courrier terrifiant à quelques journaux. Son absence de regrets précipite le verdict. Elle sera exécutée par pendaison le 12 mars 1975.
8 | 7 + 2 films, victimes collatérales des attentats |
Deux films de fictions ont déjà été déprogrammés parce qu’ils se heurtaient à une actualité douloureuse.
“Bastille Day”, sorti en salle le 13 juillet, relate les préparatifs d’une attaque terroriste en France la veille d’un 14 juillet. Le 16 juillet, un porte-parole du distributeur Studiocanal a demandé aux directeurs de salles de retirer le film de l’affiche “par respect pour les victimes et leurs familles”.
“Made in France” devait sortir en salles une semaine après les attentats du 13 novembre 2015. Il racontait l’infiltration d’un journaliste dans une cellule djihadiste à Paris. Un groupe de quatre jeunes qui avaient pour mission de semer le chaos dans la capitale. D’abord décalée, la programmation a été annulée mais le DVD est sorti le 5 avril 2016.
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