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Qui va gagner la présidentielle des réseaux sociaux ?

Décrypter Par Eric Le Braz 07 mars 2017

Qui va gagner la présidentielle des réseaux sociaux ?
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Le vainqueur des like, des tweets et des streaming a de bonnes chances de remporter l’Elysée. Mais avoir des fans ne suffit pas. Sur le web, il faut savoir parler à tout le monde pour que tout le monde parle de vous…

La présence sur le web des candidats préfigure-t-elle le résultat de la présidentielle ? C’est une bonne question idiote et je me remercie de ne pas me la poser tous les jours car je deviendrais fou devant les data yoyo. Et pourtant, plus d’une fois, internet a anticipé un scrutin. En 2016, Donald Trump avait gagné la bataille de la visibilité sur les réseaux sociaux avant de remporter la présidentielle. En France, des étudiants en big data de Télécom-Paris Tech ont pu prévoir les finalistes puis le vainqueur du premier tour de la primaire de la gauche en analysant les recherches sur Google et les mentions sur Twitter. Rappelons en passant, et sans vouloir frimer - mais si, un peu quand même - que 7x7 avait fait au moins aussi bien avec une little data very smart  en prévoyant la victoire de Hamon six semaines avant le premier tour... 

Quoi qu’il en soit, l’étude des données est une véritable alternative aux sondages pour analyser les tendances politiques… et anticiper les scrutins.

Guilhem Fouetillou le sait bien. En 2005, il avait vu venir la victoire du Non lors du référendum sur le traité européen. Tous les sondages prédisaient le contraire mais Guilhem avec trois autres étudiants de l’université de technologie de Compiègne (UTC) avaient disséqué le web 2.0 balbutiant des blogs et des forums…

Depuis, la bande d’élèves ingénieurs a crée Linkfluence, une entreprise qui, onze ans après sa création, indexe chaque jour 150 millions de contenus web… et les analyse.  Parmi ses clients, on trouve aussi bien Axa que Google, Mc Do et Sanofi, le Medef et France Télévisions. Près de la moitié du Cac 40 utilise les services de Linkfluence.

Guilhem Fouetillou a cessé de prédire les résultats des élections, mais Linkfluence continue de scanner la politique. Et leur dernière étude sur les dataportraits des candidats réalisée entre le 1er janvier et le 15 février est riche d’enseignements. On pourrait presque y deviner un vainqueur entre les data… Même s’il est encore bien trop tôt pour l’affirmer dans cette présidentielle complètement dingue !

1 Non, Macron n’est pas le candidat des médias (mais du social media)

Tous ses adversaires l’ont tellement répété et affirmé qu’on a tous fini par le croire (nous compris d’ailleurs). Mais l’accumulation des cover story complaisantes de Paris match, de Challenges et de l’Express est un miroir déformant. Non, Macron n’est pas le candidat des médias : « En réalité, cette doxa ne résiste pas à l’épreuve des chiffres », résume Guilhem Fouetillou le co-fondateur de Linkfluence. La part de voix de Macron est plus importante sur les réseaux sociaux que sur les médias traditionnels en ligne ! Les résultats de l’étude de Linkfluence sont sans équivoques. Emmanuel Macron capte le quart des voix sur les médias sociaux mais seulement le cinquième des articles en ligne (25,4 % contre 19,9 %).

Sur une durée plus longue, le CSA corrobore cette tendance. Par exemple, entre le 1er aout 2016 et le 31 janvier 2017, les Républicains ont squatté 54 h 25 d’antenne dans les débats magazines de BFMTV. Le PS ne fait que 34 H 58 et En marche ! 4 h 46 !

Dans les JT de TF1, En Marche ! grignote 24 mn, le FN 27, le PS 1 h 45 et LR 3 h 16…. Certes, les primaires puis le FillonGate expliquent en partie ce grand écart. Mais bon, on est très très très loin d’une macromania et d'une bulle médiatique.  

2 Marine Le Pen, une avance en trompe l’œil

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Sur Twitter, elle écrase la concurrence. Ce 7 mars 2016, elle cumule 1,49 million de followers, loin devant Mélenchon (1, 05 millions) et Fillon (671.000). Elle gagne aussi sur le front des retweet (dans le même ordre). Sa domination est encore plus impressionnante sur Facebook avec 1, 69 millions de fans : deux fois plus que Mélenchon, trois fois plus que Fillon. Marine Le Pen est incontestablement la reine des réseaux sociaux. Mais une souveraine dont le royaume est plus étriqué que prévu. D’après l’étude de Linkfluence,

La candidate FN est citée dans 21,8% des articles en ligne, mais elle ne génère que 12,5% des conversations des internautes depuis le 1er janvier.

Y a comme un gap pour une concurrente qui cartonne à plus de 25 % dans les sondages. C’est que son socle dans les médias sociaux est trompeur comme celui de Mélenchon. Car il ne faut pas confondre « parler d’eux » et « parler avec ». Décryptage par Guilhem Fouetillou de Linkfluence : « Le Pen et Mélenchon ont cette particularité de savoir très bien « parler avec ». Ils ont des communautés de partisans qui sont investis dans la relation et prolongent leur voix. Mais c’est un univers restreint. Au delà, vous avez ceux qui « parlent d’eux ». Et là, on voit que Marine Le Pen est clivante. Son socle plafonne ».

Ses communautés sont actives mais, à l’échelle nationale, il y a un plafond de verre dans le social media aussi. Les parts de voix  de MLP dans les réseaux sont inférieures à la part qu’elle escompte avoir dans les urnes…

Sauf que c’est peut-être étudié pour : « Elle est dans une stratégie de la discrétion qui marche plutôt bien. Le FN a lancé sa campagne tardivement, on entend très peu Marine Le Pen. A partir du moment où elle ne rythme pas l’agenda médiatique, elle est assez peu discutée sur les réseaux Elle est dans une autre logique. Il y a un tel marasme que ce sont les autres qui font campagne pour elle. ». 

3 Fillon, vainqueur malgré lui

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Il a explosé les scores. Entre le 25 janvier et le 7 février, François Fillon a généré à lui seul un volume quotidien de tweets comparable à celui de la finale de l’Euro 2016 : environ 165 000 gazoullis. Le PenelopeGate plus fort que Ronaldo et Griezmann réunis... Fillon domine les les publications médiatiques (31,7% des articles), et il écrase de sa présence les conversations des internautes (38,1%) sur l’ensemble de la période.

Sauf que c’est surtout du bad buzz. Guilhem Fouetillou le co-fondateur de Linkfluence qui est aussi prof à Science Po résume la situation : « Fillon, c’est l’homme pris dans la tempête. Les éléments sont plus grands que lui. Le tsunami est tellement immense qu’on ne fait que mesurer la tempête. Face à ça, il est sur son bateau. Il résiste comme il peut ».

Certes, il a un carré de grognards quasi prêts à mourir pour lui (il suffit de lire ses fans sur Facebook)… « Mais une communauté mobilisée ne suffit pas face à une telle déflagration », réplique Guilhem Fouetillou.

Pourtant, Trump a bien réussi, lui. On l’a accusé de tout, et même de viol pendant la campagne… et il s’en est sorti en quelques tweets. Et si Fillon dégainait aussi fort ? Et si Penelope devenait Youtubeuse ? Et si…  Mais, non ça ne peut pas marcher pour Fillon : « Trump ça fonctionne car c’est un personnage outrancier. Trump est de l’ordre de l’impensé. Fillon a toujours été dans la réserve, le secret, la rigueur, l’austérité… ».

Bref sa position est intenable et aucune stratégie sur les médias sociaux ne pourra rien y changer… 

4 Mélenchon, beaucoup de bruit pour pas grand-chose

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5 heures, 26 minutes et 11 secondes. Il fallait bien plus de cinq heures pour chiffrer le plan quinquennal du camarade Mélenchon en direct sur YouTube. Plus de 350.000 personnes ont visionné ce format castriste (mais combien jusqu’au bout… ça on sait pas). Guilhem Fouetillou de Linkfluence salue l’artiste : « Avec cette expérience sur YouTube, il se libère du temps des médias. Il crée son propre média pour imposer sa propre temporalité. Il sait que son émission ne sera pas mainstream mais elle permettra d’embarquer les leaders d’opinion et les militants qui feront le travail de conviction auprès de leurs proches ».

Chaine YouTube, hologrammes, tweets créatifs et fans hyper actifs, dans cette campagne, le plus âgé des candidats semble mieux maitriser que autres les canaux préférés des jeunes. Avis d’expert : « Dans sa capacité à mobiliser sa communauté, c’est peut le meilleur de cette campagne en social media. Il est innovant. Ses équipes savent utiliser les différents médias.  Il y a une cohérence entre son positionnement et sa stratégie.  Il a théorisé son opposition aux médias traditionnels et il l’a bien traduit dans sa stratégie digitale. Même dans l’Emission politique, Il se libère du pouvoir normatif des journalistes en invitant ses équipes à répondre à ses contradicteurs sur les réseaux sociaux. Il a réussi à faire un évènement augmenté ».

Ben alors pourquoi ça ne marche pas plus alors ? A quoi ça sert d’avoir 15 millions de vues sur YouTube ? De générer 60.000 tweets avec un hologramme ? A pas grand chose. D’après les calculs de Linkfluence, Jean-Luc Mélenchon ne possède que 7,5% des parts de voix sur les réseaux sociaux, et 8,5% de parts de voix dans les médias.

Ce qui est quand même assez savoureux. JLM qui tape obsessionnellement sur les médias dans 80 % des billets de son blog… est mieux traité par eux que par les réseaux sociaux ! Alors pourquoi ça prend pas ? « MLP est en position de gagner, Macron est nouveau, Fillon est dans la tempête. Lui a le handicap du gars attendu à l’endroit où il est…. ».

Quand ça veut pas, ça veut pas.


Mise à jour du 13 avril. JLM redresse la tête depuis ses prestations télévisuelles. Au point de devenir aujourd'hui  la référence des réseaux, titillant François Fillon et Emmanuel Macron...

5 Hamon est un peu largué

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Faut pas se mentir. Avant les premiers débats télévisés de la primaire, Hamon existe à peine sur les réseaux sociaux. Il émerge à l’occasion des deux tours pour finalement retomber dans des basses eaux. Au total, sur les six premières semaines de l’année, Il dispose de 18,1% des parts de voix médiatiques et de 16,4% des parts de voix sur les réseaux sociaux. C’est un peu plus que ce que lui prédisent les sondages. Mais le FillonGate a clairement éclipsé la visibilité du candidat socialiste : « Il est dans une sorte de moyenne, traduit Guilhem Fouetillou. Mais il est moins présent sur réseaux que sur la presse en ligne. Ce qui n’est pas rassurant pour un candidat de gauche.... Indépendamment de ce qu’il fait et dit, sa candidature offre moins de prise (et donc moins de conversations).Et finalement, il se fait clairement bouffer par Macron ».

6 NDA, Guaino, Rama Yade, Lassalle, Poutou… ils sont tous dans les choux.

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C'est dur de résister avec 10,6 K abonnés...

« S’il y a bien lieu où l’on peut émerger quand on est un petit candidat, ce sont les réseaux sociaux » explique Guilhem Fouetillou de Linkfluence. Ignorés par les médias mainstream (et les autres), ils ont tout à gagner sur Facebook, YouTube ou tweeter… Mais ils récoltent bien peu. Nicolas Dupont Aignan, le plus grand des petits, a 102.000 followers sur tweeter : quinze fois moins que Marine Le Pen, dix fois moins que Mélenchon. Parmi les petits, seul Philippe Poutou le talonne avec 98.400 followers. Loin devant Jean Lassasse (10.400) Nathalie Arthaud (5.540) ou Henri Guaino (4.770). 

Mais le plus efficace des twittos parmi les petits candidats, c’est le plus extrême, c’est Henri de Lesquen. L’homme qui veut "réémigrer les Congoides" (oui, c’est comme ça qu’il parle) a moins de 15.000 followers mais écrase tout le monde en nombre de retweets (13.700), Rama Yade n’atteint que la moitié sur la même période. Preuve que la fachosphère reste une machine de guerre redoutable sur les réseaux…

Mise à jour du 8 mars 2016 : ses supporters me font remarquer que j’ai omis, comme les grands médias, de citer François Asselineau. Il est vrai que je voyais surtout comme un champion de l’affichage sauvage, invisible sur les réseaux. Mais le jour la mise en ligne de l’article, le 7 mars,  il est passé en TT sur tweeter avec plus de RT que Lesquen et ses citations sur le web ont fait un bond. On s’intéressera à cet Ovni dans les prochains jours…

Pensée émue aussi pour l’autonomiste breton Christian Troadec qui vient de retirer  sa candidature (il n’avait que 20 parrainages) et dont l'image du patronyme est brouillé par l'homonymie des victimes d'un fait div atroce depuis une semaine. Mam, Pierre Larrouturou, Charlotte Marchandise-Franque, Alexandre Jardin et Oscar Temaru (si j'en oublie dites moi)... tenez bon !

7 And the winner is...

Les réseaux sociaux ne font pas le vote. Mais sans eux, on ne peut pas prétendre faire autre que de la figuration. Guilhem Fouetillou, le co fondateur de Linkfluence précise : « On sait très bien que la performance électorale  des candidats est liée à leur niveau d’exposition dans les réseaux sociaux. Or, c’est une condition nécessaire mais pas suffisante… ». Car un super influenceur qui ne doublerait pas ses discours dans les médias classiques en ligne, en télé, en radio ou même dans le plus ringard des médias print n’a aucune chance en finale. L’un des secrets de la percée de Fillon lors de la primaire, c’est que son directeur de campagne d’alors, Patrick Stefanini a insisté pour qu’on distribue de belles brochures en couleurs chez les électeurs âgés. Et ce sont ces têtes grises qui ont fait la victoire de FF...

C’est bien le problème des petits candidats. Privés de télés, sans moyens, ils n’ont que des réseaux hyper actifs mais minuscules… « Ils ne peuvent prétendre avoir des votes sans présence médiatique », tranche Guilhem Fouetillou. Un inconnu peut donc au mieux espérer faire un score à la Rugy grâce à une pincée d'apparitions télés.

Car non seulement les réseaux sociaux ne font pas le vote, mais le nombre des fans et des followers ne préjuge pas non plus du résultat. Ou alors MLP va  à l’Elysée finger in the nose après avoir gagné en finale contre le camarade YouTubeur.

Or, c’est la conversation qui importe le plus. De qui parle-t-on et pourquoi. Et dans cette compétition parallèle, si l’on écrème le bad buzz de Fillon et l'effet des primaires, c’est Macron qui sort vainqueur du big data et qui reste durablement en tête de la part des voix sur le web. Enfin, pour le moment…

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