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Décryptage de 7 œuvres de BERNARD WERBER

Recommander Par Daniel Ichbiah 25 mai 2019

Décryptage de 7 œuvres de BERNARD WERBER

Bernard Werber

Daniel Ichbiah
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S’il a un fan club énorme en France, on ne sait pas toujours que Bernard Werber est l’un des auteurs français les plus populaires dans le monde, notamment dans des contrées comme la Russie ou la Corée. Dans ce dernier pays, il a vendu un million d’exemplaires du Livre du Voyage.

Les livres de Werber constituent une garantie de découvrir des réalités insolites, d’arpenter des mondes perdus ou bien à conquérir, de vivre des expériences hors du commun. Avant tout l’auteur aime à nous faire changer de point de vue.

De novembre 2018 à janvier 2019, Bernard Werber s’est prêté au jeu de l’interview fleuve sur sa vie entière. Ses propos ont été recueillis par Daniel Ichbiah

Nous vous proposons ici de revenir sur 7 des œuvres majeures de Werber, décryptées par lui-même.

1 Bernard Werber : Le Jour des Fourmis (1992)

Décryptage de 7 œuvres de BERNARD WERBER

Le Jour des Fourmis de Bernard Werber

Quand j’ai eu les premiers feedbacks sur Les Fourmis, j’ai vu que personne ne l’avait compris. Les gens croyaient que c’était un livre de vulgarisation sur les fourmis. Ça m’a donné envie d’écrire Le Jour des Fourmis qui est l’explication de ce que les premiers lecteurs n’ont pas vu. 

Le message, c’est : « Attendez, je ne vous parle pas de fourmis, je vous parle de l’humanité en la comparant à une autre espèce qui a 120 millions d’années alors que l’Homme n’est sur Terre que depuis 3 millions d’années ». C’était un rappel de notre espèce aînée. Le Jour des Fourmis, c’était : « Ouvrez les yeux, vous n’avez pas capté l’esprit du premier roman donc, j’en envois un deuxième ».

Par ailleurs, un lecteur avait eu cet avis :"Ce qui manque dans le premier livre, c’est une grande histoire d’amour. Une histoire d’amour entre la reine des fourmis et le mâle qui va la féconder ? Non. Une histoire d’amour chez les insectes, ça ne compte pas…"

Donc, j’ai bâti le deuxième tome autour de l’idée d’une histoire d’amour entre la fille du professeur Wells, Laetitia, une mystérieuse eurasienne et le policier, Jacques Méliès, qui essaye de comprendre ce qu’elle elle est et ce qu’elle n’est pas, à savoir une scientifique criminelle. A partir de là, l’histoire des fourmis est devenue secondaire. 

Le livre a reçu le Prix des Lectrices de Elle et cela a été une chance. Comme j’avais axé Le Jour des Fourmis autour d’une histoire d’amour, j’ai pu toucher le public féminin. Le Prix des Lectrices de Elle m’a fait passer de 20 000 à 50 000 exemplaires dès la sortie du livre. A partir de là, j’ai commencé à exister. Le bouche à oreille qui avait pris forme sur Les Fourmis s’est poursuivi sur Le Jour des Fourmis. J’avais d’ailleurs veillé à ce qu’on puisse lire le deuxième sans avoir lu le premier.

A partir de ce deuxième livre, des articles ont évoqué que je traitais de l’humanité à travers les fourmis, qu’il y avait là une comparaison entre deux civilisations ; donc le message est passé.

2 Bernard Werber : Le livre du voyage (1997)

Décryptage de 7 œuvres de BERNARD WERBER

Le Livre de voyage de Bernard Werber

Mon épouse avait demandé le divorce et pour justifier cet acte, elle m’a dit : « Tu sais, si nous divorçons, c’est parce que moi j’ai suivi une psychanalyse et toi tu ne l’as pas fait ». 

Or, j’avais lu Freud, j’avais interviewé des psychanalystes quand j’étais au Nouvel Obs, et je voyais bien comment fonctionnait leur système, je ne croyais pas qu’il puisse me faire du bien. Inconsciemment, j’avais la sensation que, quoi qu’un psy aurait pu me dire je le savais déjà. 

A la place de cela, j’ai imaginé qu’un livre me psychanalyse pour me mettre dans un état positif. L’idée était d’avoir un livre qui me tutoie, comme un ami, qui me donnerait des conseils pour aller mieux. En bref, un travail d’introspection, de nettoyage intérieur. 

J’avais envie de produire un livre très vite parce que je savais que Philip K. Dick écrivait certains de ses romans en quatre jours. Je voulais voir si je pouvais aller très vite. Le modèle est venu d’un trait : mettre à profit les 4 éléments que sont l’air, le feu, la terre et l’eau. C’est cette idée qui m’a permis de l’écrire en une journée, entre 8 heures du matin et 8 heures du soir.

Ce livre n’avait pas été écrit pour être publié. Il devait m’aider moi. Par curiosité, je l’ai montré à ma directrice de collection qui l’a passé à mon éditeur qui l’a passé à sa fille et a dit : « C’est génial ! On devrait le publier ! »

Le Livre du Voyage a eu du succès auprès de gens qui ne connaissaient pas du tout Les Fourmis et Les Thanatonautes. C’était un public davantage tourné vers ce qui est new age et spiritualité.

3 Bernard Werber : Le Père de nos pères (1998)

Décryptage de 7 œuvres de BERNARD WERBER

Le Père de nos Pères de Bernard Werber

Le Père de nos Pères était basé sur une intuition. J’avais fait des articles sur les greffes et je ne trouvais pas normal que nous tolérions mieux les greffes de porcs (pour les valves, le cœur et autres organes) que les greffes de chimpanzé, alors que notre ADN est plus proche de celui du chimpanzé. C’était un mystère.

Je suis donc parti de l’hypothèse que le porc faisait partie de nos ancêtres et que l’homme était né d’une rencontre entre un porc et un primate. A partir de cette idée, j’ai essayé d’être le plus scientifique possible, d’étayer cette hypothèse – je faisais également référence à la Bible qui dit de ne pas manger de porc mais sans expliquer pourquoi. J’ai aussi effectué des études sur le porc montrant que c’était un animal très intelligent, tendre et sentimental, qui a subi une incompréhension de la part de notre civilisation.

J’ai bâti Le Père de nos Pères à la façon d’un Indiana Jones : sur les traces de nos origines, au lieu d’être sur les traces du Graal. Il m’a fallu du temps pour mettre au point ce couple d’enquêteurs original, parce que je comptais créer une série télé. 

Isidore, c’est l’individu pacifique et tendre qui privilégie la réflexion alors que Lucrèce est le symbole d’une époque où la femme est dynamique : fonçons et on verra bien ce qui se passe. Le duo était complémentaire, lui étant philosophe, érudit, et un peu trouillard, tandis qu’elle opère dans l’énergie.

Bref, j’ai créé cette dynamique entre Lucrèce et Isidore qui enquêtent sur une histoire qui remonte jusqu’en Afrique sur les traces de l’origine de l’humanité, autour ce mystère : on ne savait toujours pas pourquoi il y avait des humains sur Terre.

4 Bernard Werber : L’Arbre des Possibles (2002)

Décryptage de 7 œuvres de BERNARD WERBER

L'Arbre des Possibles de Bernard Werber

C’était une manière de lancer la mode des nouvelles. On m’avait dit que cela ne se vendait pas en France, que c’était un genre prisé des seuls anglo-saxons. Or, je m’étais établi un mécanisme d’entretien de l’imaginaire : écrire des nouvelles tous les jours entre 18 heures et 19 heures… À un moment, je n’arrivais plus à tenir la discipline quotidienne, donc j’en ai écrit deux par semaine. Maintenant, j’en suis plutôt à une par semaine. 

Une seule règle : l’histoire doit être achevée. Cela fait 10 pages environ et l’idée est d’en écrire une complète tous les jours. J’ai démarré cette discipline en 1990, donc avant la publication de Les Fourmis. Dès lors que l’on pratique quelque chose régulièrement, l’aptitude se développe. Plus ça va et plus ça devient facile. 

Souvent ces nouvelles sont des galops d’essai, à savoir, est ce que j’ai envie d’en faire des romans. Cela rappelle Philip K. Dick qui rédigeait souvent une version courte et une version longue. Un peu comme si je laissais les nouvelles me dire d’elles-mêmes, « j’ai envie de grandir ».

J’ai fini par avoir un énorme fichier de nouvelles – environ 700. Un grand nombre de ces nouvelles étaient mauvaises, mais rien que par la quantité, il y en a eu de moins mauvaises. Pour L’Arbre des Possibles, j’ai sélectionné les 21 qui semblaient les meilleures.

Le livre a été n°1 la semaine du 11 octobre 2002. C’était bien car j’allais sur un terrain non commercial et mon éditeur se demandait si cela allait décoller.

5 Bernard Werber : Nous les Dieux (2004)

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Nous les Dieux de Bernard Werber

Ce livre est né en partie de mon addiction à Civilization IV. A un moment, ce jeu a été comme une « drogue », je pouvais rester 4 ou 5 heures à créer ma civilisation et à la gérer.

Se retrouver en position de dieu d’un monde induisait un challenge : on retrousse les manches et on s’attelle à faire mieux que l’existant. C’était une expérience quasi mystique. Ce monde ne te plaît guère ? Voyons si tu peux faire mieux !

J’ai pu affronter les dilemmes qu’avaient eu les grands chefs. Je mélangeais d’ailleurs l’étude de l’Histoire et celle du jeu. J’ai mis à contribution les mythologies grecques et romaines : comment César est arrivé au pouvoir et a donné naissance à un empire… Cela m’a toujours fasciné de voir comment, soudainement, un principe de civilisation en arrive à englober les autres, mais aussi à les anéantir.

Ayant gagné ses galons d’ange, le héros se retrouve sur une île, Aeden (de ADN). Au sommet de la montagne se trouve, aux dires des habitants, le grand Dieu. Au dessous, une école enseigne des notions qu’il me semblait intéressant de relayer. 

Nous les Dieux est ma plus grande réussite. A la sortie en octobre 2004, nous avons dû écouler 190 000 exemplaires. Je n’ai pas fait mieux. Nous en sommes arrivés à 330 000 exemplaires.

6 Bernard Werber : Sixième sommeil (2015)

Décryptage de 7 œuvres de BERNARD WERBER

Le Sixième Sommeil de Bernard Werber

La naissance de mon fils a été prématurée et je n’arrivais plus à dormir – il se réveillait à 2, 4 et 6 heures. Ce manque de sommeil a commencé à me miner et je me suis passionné pour ce sujet.

J’avais jadis écrit un article pour Le Nouvel Observateur sur le rêve lucide[1], et suis allé chercher la documentation accumulée sur ce thème et notamment sur les Senoïs, un peuple qui vit en Malaisie, qui a pour particularité de gérer toute leur vie à partir du sommeil, à savoir :

- le matin, chacun doit raconter son rêve.

- le rêve du combat contre une panthère marque le passage au stade adulte.

- si quelqu’un rêve qu’il couche avec la femme d’un autre, il doit lui offrir un cadeau au réveil,etc.

Bref les Senoïs considèrent que le monde des rêves est un monde de référence aussi important que le monde normal.

J’avais écrit à l’époque un article sur ces Senoïs et sur le rêve lucide qui devient une forme de gymnastique de la pensée. J’ai voulu mélanger ces deux sujets, imaginer une savante qui découvre un nouveau stade, au-delà du sommeil paradoxal[2], où l’on rêve énormément, et où le corps est paralysé.

J’avais fait l’expérience des caissons d’isolation sensorielle et d’environnements similaires. Tout cela m’a servi à imaginer une machine qui amènerait à s’immiscer dans le monde des rêves. Et aussi une machine à visualiser les rêves de l’extérieur. J’ai aussi intégré mes études sur les dauphins car ce mammifère marin rêve en permanence. 

Le dauphin ne peut jamais rester immobile. Il ne peut pas vivre immergé – il a une respiration aérienne, il. Toutefois, s’il reste à l’extérieur de l’eau, sa peau sèche et se nécrose. Donc, il doit alterner entre ces deux positions. Depuis sa naissance, il est obligé de nager sans pouvoir s’arrêter. Il a donc une moitié du cerveau qui rêve le jour, et puis l’autre bascule. A partir de cette découverte sur les dauphins, on pouvait imaginer comment les dauphins peuvent nous apprendre à mieux rêver.

Le mélange de toutes ces pistes a donné le concept du Sixième Sommeil. [1] Un rêve durant lequel le rêveur a conscience d'être en train de rêver.[2] Le cinquième et dernier stade d'un cycle du sommeil.

7 Bernard Werber : Depuis l’au-delà (2017)

Décryptage de 7 œuvres de BERNARD WERBER

Depuis l'au-delà de Bernard Werber

Depuis l'au-delà est issu de ma rencontre avec Patricia Darré, une médium qui m’a raconté sa vie dans le quotidien. C’est passionnant. Une médium mène une vie originale et personne n’en sait rien. Ceux qui viennent la consulter ne se préoccupent pas de ce qu’elle vit elle-même. 

On pourrait résumer mon approche ainsi : vous êtes-vous demandé ce que pense l’autre ? S’intéresser à l’autre en quelque sorte. Ne pas toujours considérer qu’il n’y a que soi.

Une fois que Patricia Darré m’a mis en contact avec des personnes disparues, je me suis demandé comment était sa vie quotidienne ? Que prend-elle au petit déjeuner ? Quelles sont ses préoccupations ? 

Ce livre m’a permis de rencontrer plusieurs médiums. J’ai découvert un monde cohérent et honnête. Patrica Daré est sincère dans sa démarche. Ce qu’elle raconte est teinté de magique et de fabuleux. 

Quant à mon personnage en gros, c’est moi, l’écrivain qui, une fois mort, contacte une médium pour lui dire ce que je vois depuis l’au-delà !

8 Pour en savoir plus

Interview de Bernard Werber par Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Si vous êtes fan de Bernard Werber, cette page de Daniel Ichbiah est incontournable ! Elle est issue d'une dizaine d'heures d'interviews sur sa vie complète que l'auteur m'a accordées.

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